Définition de pitoune
Le mot pitoune est un québécisme qui possède plusieurs sens. C’est d’abord le pendant féminin du mot pitou, c’est-à-dire, un bon chien, un chien fidèle ou, pour garder le sens affectueux du terme, ce qu’on appelle un toutou en français international (et en français québécois aussi, d’ailleurs).
C’est aussi un terme d’affection pour désigner une fillette ou une femme qu’on aime (ma pitoune). Dans ce sens, on pourrait dire ma poulette ou ma cocotte en français standard familier.
C’est encore un terme qui sert à désigner une femme attirante, ce qu’on appellerait une poulette en français standard familier.
Finalement, la pitoune désigne une bille de bois de quatre pieds de longueur.
Historique
Étymologiquement, il est possible que les premiers sens donnés ci-dessus (terme d’affection) n’aient pas à voir avec le dernier (celui de bille de bois). Et c’est pour cette raison que le dictionnaire Usito propose deux entrées séparées pour pitou, pitoune (terme d’affection) et pitoune (bille de bois), avec des étymologies distinctes. Le terme d’affection vient du préfixe pit (d’abord un oiseau, puis donné par affection aux enfants – Glossaire du parler français au Canada, 1930) et du suffixe -oune. Ce terme est donc à rapprocher du provençal pitchoun (garçon), pitchoune (fille) et pitchou (sorte d’oiseau). Le mot pitoune semble aussi pouvoir servir de surnom et de nom de famille en France:
- « Pitoune », la cantinière, raccroche son tablier à Envermeu (titre d’article) [actu.fr, « “Pitoune”, la cantinière, raccroche son tablier à Envermeu », 25 février 2025]
- 1738-1745 […] Anne Chauvet, fille de Jean et de Marguerite Pitoune [M. L. Duhamel, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790, 1884]
Ce qu’on peut dire en ce qui concerne l’étymologie de pitoune, c’est que l’anglais n’a rien à voir avec ce mot. Car selon l’étymologie populaire, il s’agirait d’une déformation de happy town qui daterait de l’époque du flottage de bois (ce qu’on appelle la drave au Québec), où les draveurs (= flotteurs de bois en français international) auraient eu recours aux prostituées. Le mot aurait ensuite servi à désigner une femme bien roulée. Or, bien roulé s’emploie peu dans ce sens au Québec. La tendance à voir de l’anglais où il n’y en a pas est de plus caractéristique de l’étymolopie populaire au Québec (enfirouaper est un autre exemple du phénomène). D’ailleurs, les dictionnaires sérieux que sont Usito et le Dictionnaire historique de la langue française des éditions Le Robert indiquent que l’origine du mot pitoune au sens de rondin est inconnue et ils ne font nullement mention d’une étymologie anglaise. Qui plus est, derrière le syntagme anglais happy town, il ne semble pas y avoir d’allusion grivoise. Autrement, on n’aurait pas nommé un jeu vidéo développé en Australie en utilisant ce terme, ni une série télévisée américaine sur une petite ville idyllique:
- Happy Town is a relaxing merging game in which you’re in charge of developing a prosperous city! (= Happy Town est un jeu de fusion relaxant dans lequel vous êtes responsable de faire proséprer une ville!) [happytownadventure.com, site consulté le 2 octobre 2025]
- Henley Boone arrives in seemingly idyllic Haplin to live. (= Henley Boone arrive à Haplin, endroit idyllique en apparence, pour y vivre) [Wikipedia, article « Happy Town (TV series) »]
Ce qu’il faut savoir, c’est que la pitoune était aussi un mets qu’on servait dans les camps de bûcherons:
- Ma grand-mère, alors qu’elle travaillait dans un camp forestier, nous faisait des pitounes, soit des crêpes de sarrasin. On disait d’elle qu’elle était à la cookerie (la cuisine) du campe (camps). [Association forestière du sud du Québec, « articles hiver 2025 », consulté le 1er octobre 2025].
Et c’est d’ailleurs le sens de la première attestation que relève le Trésor de la langue française au Québec pour ce mot:
- Les anciens cultivateurs mangeaient souvent de la pitoune, une galette faite avec de la grosse farine de sarrazin et de la mélasse. [Hector Berthelot, Bon vieux temps (1re série), 1884, dans le « Trésor de la langue français au Québec »].
Ainsi, c’est par analogie de forme avec la crêpe que les billes de bois auraient acquis ce nom.
Citations
Comme on peut le constater dans l’une des citations suivantes, l’époque des pitounes est maintenant révolue.
- Quand la papetière Kruger de Trois-Rivières aura digéré sa dernière pitoune, en février, la page se tournera définitivement sur ces petits billots de bois et sur un grand pan de l’histoire économique du Québec. [La Presse, « Pâtes et papiers: c’est la fin de la pitoune au Québec », 9 février 2019]
- Les draveurs sont ceux qui mènent les billots de bois, la pitoune, le long du courant. [Radio-Canada, « Travailler dans le bois dans les années 60 », 11 avril 2019]
Traductions
Pour s’adresser à une fillette ou à une femme qu’on aime, ma pitoune, peut se traduire par honey en anglais, cariñito en espagnol et cocca mia en italien.
Pour décrire une femme qu’on trouve attirante, pitoune, peut se traduire par chick ou broad en anglais américain, bird en anglais britannique, nena et muñeca en espagnol et pollastra en italien.
Pour désigner un morceau de bois flotté, pitoune, peut se traduire par log en anglais, tronco en espagnol et tronco en italien. Mais il faut reconnaître ici que ces traductions sont imparfaites comme elles peuvent servir à désigner des rondins de toutes les dimensions. Pulpwood bolt serait une meilleure traduction anglaise à en croire le Grand Dictionnaire terminologique.